Difficile de survivre à la mort de son enfant. Survivre, c'est bien le terme. Et le propos de ce dernier récit de Laure Adler, contant la mort de son fils Rémi, il y a dix-sept ans. Ce sont d'abord des images qui reviennent, remontent des parois de la mémoire, celles d'une grossesse inattendue (et victorieuse), qui voit la narratrice "aspirée dans ce tourbillon centrifuge qu'est la promesse de ce commencement". Puis des instantanés, fragiles phalènes sur les rives du Styx, que sont l'accouchement, les bains, la couverture bleue du lit de la grande chambre dans lequel vient se caler Rémi, les baisers dans le cou, les échanges de petits babillages secrets entre mère et fils. Enfin des images de la mort à l'œuvre, où l'œuvre fait précisément son lit, passant douloureusement d'une "détresse respiratoire intense" à l'hôpital et de l'hôpital à la "première nuit sans lui" et la fin d'un "à ce soir". La mort du fils, le difficile travail du deuil quand le temps ne veut rien effacer... Pour "tenter d'approcher avec les mots cette forme vide en moi, la circonscrire", Laure Adler a choisi d'écrire une expérience intime, dans la sobriété de la phrase. Si le thème est battu et rebattu, le récit n'en reste pas moins juste, sans forcer l'émotion, autour du lien sacré entre mère et fils. --Céline Darner