Arriver à séparer douleur et mémoire

 J’ai pensé à mon fils,

[...]

Je lui ai parlé intérieurement.
Nous nous sommes au moins quittés sans colère
- Lui ai-je dit-
Et sans rancœur.
Tu nous as aimés, et tu étais aimé.
Et tu savais
Que tu l’étais.
Je lui ai dit : Puis-je te demander une faveur ?
Je veux apprendre à séparer
La mémoire
De la douleur.
Du moins en partie,
Autant que possible, afin que tout le passé
Ne soit pas à ce point imprégné de douleur.
De la sorte, je pourrai aussi me souvenir de toi
Davantage,
Tu comprends : je n’aurai plus à craindre chaque fois
La brûlure du souvenir.

 

David Grossman
« Tombé hors du temps »
Ciel nuageux